La situation était grave. Il fallait vite trouver une solution. Tous les artistes s’étaient réunis sur la piste après le spectacle pour y réfléchir ensemble. C’était indéniable, le public se lassait de leur cirque, les recettes baissaient de semaine en semaine, de ville en ville. Arturo le propriétaire en était convaincu : « Il nous faut quelque chose d’original, qui nous démarquera des autres cirques ».
L’idée la plus intéressante vint d’Achille le clown : composer des duos improbables associant le jongleur et la contorsionniste, le magicien et le dompteur de fauves, l’équilibriste équestre et le ventriloque, l’avaleur de sabre et le lanceur de couteaux, le mime et la funambule, etc. Achille s’arrangea pour se retrouver avec Clara, la voltigeuse au ruban.
Clara. Rien que prononcer son prénom le faisait bredouiller. Et cela faisait rire tout le monde.
Dans le numéro qu’ils mirent au point, le clown cherchant à séduire la belle voltigeuse, courait sur la piste en suivant ses acrobaties aériennes. Le nez toujours en l’air, il se prenait les pieds dans un tapis ou un seau, se cognait contre une chaise ou un poteau du décor. Ses chutes faisaient hurler de rire les enfants. Achille tendait à Clara des fleurs et des lettres qu’elle attrapait et laissait s’envoler. Son grand ruban bleu lui servait d’ailes ou de trapèze, de corde ou de voile. Elle semblait flotter dans l’air, légère et insaisissable sous le regard attendri du clown maladroit.
A la fin, Achille lui offrait son cœur et Clara, conquise, lui tombait dans les bras avant de l’embrasser sous les applaudissements du public.
Un soir, le baiser fut un peu moins feint, un peu plus long que d’habitude. Car les lettres n’étaient pas de simples accessoires de spectacle. Clara s’en était aperçue et les avaient lues.
Depuis, Clara et Achille vivent heureux et ont eu plein de petits et petites trapéziclowns.