Dame Margot était très coquette. Elle passait un temps interminable à se pomponner, se parfumer et se maquiller, se parant des plus élégantes robes, des plus imposantes coiffes, des plus précieux bijoux, pour être chaque jour plus belle que le précédent.
Un jour, sa mère lui offrit un miroir. Quelle idée ! Elle en avait une dizaine. « Mais celui-là est spécial » lui avoua-elle. Quand Margot se regarda dedans, elle fut frappée par la noirceur de ses yeux, la pâleur de son teint, le gris de ses lèvres. Sa robe en revanche était d’un vert éclatant. Seuls son visage, ses yeux, sa peau avaient perdu leurs couleurs !
« Qu’est-ce que c’est que ce miroir ? Pourquoi m’y vois-je en noir et blanc ? »
« Parce qu’il te manque quelque chose que tu ne verras que grâce à lui » lui répondit mystérieusement sa mère.
Interloquée, Margot se mit en quête de cette fameuse chose. Pendant plusieurs jours, elle parcourut les ruelles de la ville, miroir à la main, en observant les habitants. Tous la saluaient avec déférence, amusés de la voir ainsi affairée. À travers son miroir, contrairement au sien, leurs reflets étaient tout en couleurs. Comme les magnifiques façades fleuries des maisons, les étals attirants des commerçants, les somptueux vitraux de l’église, le carrosse qui…
“Aaaah!” Margot se jeta sur le côté pour l’éviter et tomba dans la boue. Elle eut une peur bleue !
Verte de rage, voyant sa robe souillée, sa coiffe défaite, elle fulminait, bien décidée à régler ses comptes avec ce cocher imprudent.
“Vous allez bien ?” lui demanda-t-il en s’excusant. Margot rit jaune quand il l’aida à se relever. Elle était rouge de honte d’être aussi salement fagotée. Mais dans son miroir, elle vit que son reflet avait retrouvé ses couleurs. Alors au lieu d’envoyer le malotru sur les roses, elle rentra chez elle en courant. “Enfin tu as compris !” lui dit sa mère. “Un miroir ne servira pas qu’à contempler ta beauté !”
Et Dame Margot venait d’inventer… le rétroviseur.